lundi 25 novembre 2013

Défiscalisation:Interview de Claudy Giroz par LE PROPRIETAIRE IMMOBILIER

MARCHE DE L'HABITAT
Victimes de défiscalisation:
une association se mobilise
pour les défendre

 
Déjà dénoncées dans nos pages(1), les dérives de certains professionnels en matière de défiscalisation (promoteurs, banques, commercia- lisateurs, conseils en gestion de patrimoine...) ont conduit nombre d’investisseurs dans de réelles difficultés. Une association a été créée pour leur assurer un soutien moral et logistique.
Entretien avec Claudy Giroz, Présidente fondatrice de l’association de défense des victimes de défiscalisations ADIM.
 
 
 
Pouvez-vous nous dresser un bilan de la situation des propriétaires ayant procédé à une défiscalisation tous dispositifs fiscaux confondus?
 
Dans l'ensemble la situation est catastrophique. Des dizaines de milliers de personnes victimes de défiscalisations calamiteuses de types « Robien, Borloo, LMNP, ZZR Demessine, Girardin » cherchent désespérément un sauvetage immédiat, tant leur pronostic vital financier est engagé ; d'autres, à l'urgence moindre, de type « Malraux, Monuments historiques » cherchent une réparation à cette injustice plus ou moins légalisée. Sur France 2, dans l'émission d’Emmanuel Chain du 3 avril 2012 « Histoires en Série » présentée par Béatrice Schoenberg, Erwan Seznec journaliste à UFC Que Choisir a identifié clairement ce fait : « comme le plus gros scandale immobilier d'après guerre et estime les victimes à plusieurs centaines de milliers de personnes ».
Il faut faire le distinguo entre les promoteurs vertueux qui ont une réelle culture de la promotion bien réalisée, qui construisent essentiellement des résidences principales ou des résidences mixtes constituées de biens défiscalisants et de biens primo-accédants et les « marchands de défiscalisations » qui ne vendent que de la défiscalisation présentée comme une économie d'impôts avec un support immobilier sécurisé. Ces authentiques promoteurs, ont un nom respecté qui perdure depuis des années, alors que les « marchands de défiscalisation », changent souvent et rapidement de dénomination commerciale afin de virginiser leur image professionnelle dès qu'elle devient sulfureuse. Il faut aussi distinguer le réel CGPI (Conseil en gestion de patrimoine immobilier) qui valorise réellement le patrimoine de ses clients et le vendeur « de bonne aventure immobilière » dont la seule motivation est sa commission de vente.
>  Quelle motivation vous a poussé à créer cette association début 2008 ?
J’ai été recrutée par un des leaders nationaux promoteurs « marchands de défiscalisation » et j'ai moi-même vendu des biens défiscalisants en VEFA à mes proches. À la livraison de mes premiers clients, j'ai compris l'ampleur du désastre : les biens étaient vendus outrageusement au-dessus du prix du marché local, ils étaient implantés dans des zones avec faible ou sans potentiel locatif, les matériaux de construction étaient bas de gamme. J'ai compris que j'avais involontairement placés mes clients et amis dans une « nasse » désastreuse : ils devront payer les mensualités d'emprunt mais aussi les frais de copropriété, de gestion et d'assurance locative, les taxes foncières sans pouvoir toucher le moindre loyer. Ils ne pourront pas revendre le bien qu'ils avaient acheté 60 % au-dessus de la valeur vénale. J'ai donc réuni tous mes clients ensemble pour les prévenir de la situation dans laquelle je les avais enfermés. À mes frais, j'ai contacté des dizaines d'avocats spécialistes chacun dans un des segments juridiques concernés : construction, consommation, bancaire, fiscal, administratif, contrats afin d'étudier une sortie positive pour eux. Plusieurs suicides m'ont poussé à apporter ce savoir à tous les investisseurs en détresse, d'où la création de l'ADIM composée exclusivement de bénévoles.
(1)     « L'affaire Apollonia : quelles avancées » - Le Propriétaire immobilier de Novembre 2012 page 9 et « Une escroquerie en bande organisée » -
Quelle aide l’ADIM peut-elle apporter aux propriétaires spoliés ?
Elle apporte un soutien moral puis un soutien logistique. Certains propriétaires sont paniqués, perdus et ne savent que faire. La lecture du site ADIM (http://adim.assoc.free.fr) leur présente déjà quelques pistes.
1  - Nous aidons les plus démunis à mettre rapidement en place une procédure de demande de délai de grâce leur permettant de suspendre leurs mensualités d'emprunt pendant deux ans sans intérêt. Cette procédure est effectuée sans le concours et les frais d'un avocat. La procédure coûte environ 105 € : frais d'huissier pour assigner la banque et 35 € de timbre fiscal. Les propriétaires éligibles à cette procédure dont le reste à vivre (revenus moins dépenses récurrentes divisés par le nombre de personnes) est modique obtiennent tous ce délai si leur situation est générée par un problème conjoncturel et non structurel (article L 313-12 du Code de la Consommation dans les conditions prévues aux articles 1244-1 à 1244-3 du Code Civil).
2  - L'ADIM tente une négociation amiable avec le promoteur concerné. Avec les authentiques promoteurs, un accord amiable est rapidement conclu. Ce n’est pas le cas avec « les marchands de défiscalisation » : la solution judiciaire s’impose alors.
3  - Un cabinet spécialiste bancaire étudie les offres de prêt des propriétaires de biens défiscalisants, mais aussi de résidence principale, pour une très modique somme.
Si le TEG (taux effectif global) est erroné, la sanction, à l'appréciation souveraine des juges, peut être la déchéance totale ou partielle de tous les intérêts d'emprunt avec effet rétroactif à la date de l'offre de prêt acceptée. En pratique, les intérêts échus seront remboursés aux propriétaires, les intérêts à échoir seront gommés des futures mensualités.
Si le TEG du prêt réalisé sous la forme authentique est erroné, la sanction est la substitution du taux conventionnel par le taux légal (0,04 % en 2013) avec effet rétroactif de la même manière.
4  - Les propriétaires constituent un dossier transmis à un des cabinets d'avocats avec qui nous travaillons qui étudie une faisabilité judiciaire qui se décline en deux axes.
Le premier: la nullité (annulation) de la vente car le contrat préliminaire ne défère pas aux exigences du Code de la Consommation ou du Code de la Construction et de l'Habitation et la nullité pour dol, des mensonges, des manœuvres ou des réticences dolosives ayant vicié le consentement de l'investisseur. Le deuxième : une mise en responsabilité pour défaut de conseil ou défaut de mise en garde qui peut amener le juge à attribuer au plaignant une somme au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier. Cette consultation écrite qui soulignera les points forts et faibles du dossier est envoyée au propriétaire qui pourra poser des questions complémentaires, et aura ainsi tous les atouts en mains pour juger de l'opportunité d'une action en justice. De nombreux procès ont été gagnés en TGI et certains ont déjà été confirmés en Cour d'Appel.
5  - Pour les copropriétaires d'une résidence entière qui se sont fédérés, des réunions sont organisées le samedi. L'ADIM fait déplacer un binôme d'avocats de 8h à 18h, un ordre du jour est envoyé avec tous les points qui seront traités ainsi que les questions posées par les copropriétaires.
Pour les résidences LMNP ou ZRR Demessine dont le problème récurant est la défaillance du gestionnaire, voire sa liquidation, l'ADIM fait déplacer un binôme d'experts comptables commissaires aux comptes et un binôme d'avocats afin de procéder à la mise en place d'une éventuelle auto-exploitation.
 (1)« L'affaire Apollonia : quelles avancées » Le Propriétaire immobilier de Novembre 2012 page 9 et « Une escroquerie en bande organisée »
Vous avez écrit un livre intitulé «fiscalisation ou Défricalisation » apporte-t-il une valeur ajoutée à l’action de l’association ADIM?
Cet ouvrage dénonce les dérives de certains promoteurs, banques, commercialisateurs, conseillers, notaires, maires... aux pouvoirs publics et propose des solutions pour aider le contribuable catégorisé dans les tranches marginales moyennes ou basses.
Cet ouvrage est d'une grande utilité pour les propriétaires spoliés : il leur explique quelles sont les solutions possibles pour s'extraire de leur prison financière, les déculpabilise, leur offre surtout une voie concrète de sortie de crise. Cet ouvrage est aussi très apprécié des avocats. Les dossiers de plaignants abusés étant complexes à traiter, il leur apporte un fabuleux gain de temps. Il est pour eux une base de travail car il met en lumière le mode opératoire de ces réseaux pyramidaux de défiscalisation. Une compilation de nombreuses décisions de première instance et de jurisprudences concernant tous les co-auteurs de ces défiscalisations est mise à leur disposition. Les Conseils n'ont plus qu'à suivre l'évolution jurisprudentielle.
Cet ouvrage est aussi un guide pour les candidats à une future défiscalisation car il souligne tous les points de vigilance à vérifier, afin de ne pas tomber dans les multiples pièges tendus par certains prédateurs de la défiscalisation.
 
Avez-vous un message particulier à transmettre ?
Les multiples appels désespérés des propriétaires, les nombreux rapports que j'ai adressés au Gouvernement depuis 2008 ne trouvent à ce jour que peu d'écho dans l'indifférence institutionnelle, au profit du lobbying immobilier défiscalisant et de son aréopage.
Un « nid » de guêpes maçonnes défiscalisantes a élu son fief à Toulouse et a envahi le paysage français de ses constructions inadaptées au marché locatif, entraînant la ruine de nombreux français.’.. Les ministres du Logement se succèdent mais les méfaits se perpétuent aux dépends des propriétaires. À nos gouvernants : MAYDAY... MAYDAY... MAYDAY. Il serait urgent d'instituer une commission nationale de recours et de médiation, de fournir des armes adaptées à la justice pour traiter ces dossiers, éradiquer collusion et corruption. Il faut restituer « aux ruinés de la défiscalisation » dignité et droit matériel à la vie et, aux Français, l'envie d'investir à nouveau en toute confiance.
Le Propriétaire Immobilier – Juin 2013                23

 


 

 

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